Ecologie: les dessous d'une nouvelle audience
La validité un peu effrayante des scénarios qui s'esquissent en matière de prospective environnementale, n'aurait sans doute pas suffi à modifier leur réception dans les différentes opinions publiques, si le message des écologistes n'avait été profondément modifié dans sa forme.
La sensibilisation récente à la cause écologiste, doit en effet beaucoup, au remaniement du message et de ses supports.
De manière évidente, une révolution s'est d'abord opérée dans le mode d'approche.
Dans les années 1990, Nicolas Hulot avec l'émission Ushuaia, et Yann Arthus Bertrand avec La Terre vue du Ciel, ont été en France, les initiateurs d'un discours militant qui ne passait plus par cette méthodologie scolaire consistant à affirmer sur un ton dramatique une thèse catastrophiste, et impliquant des changements radicaux, doublés d'une ascèse consumériste.
Occultant tous les deux, le volet analytique, dogmatique, verbal, de la réflexion, ils ont proposé, chacun avec leurs outils - le reportage télévisé pour le premier, la photographie pour le second - une approche émotionnelle, artistique, fondée sur l'image.
L'album du photographe a connu un succès international, ses clichés sont repris sur de multiples supports, ils furent même l'objet d'un film projeté au cinéma.
Aujourd'hui, Yann Arthus Bertrand explicite et théorise désormais sa démarche, mais cette manière originale, à l'époque, de donner à voir, à éprouver, puis éventuellement, à réfléchir, de manière individuelle et libre, a été capitale dans le phénomène de sensibilisation à la cause écologiste.
Où l'écologie classique continuait le LEARN - DO - FEEL d'une pédagogie rébarbative, Yann Arthus Bertrand et Nicolas Hulot, initient un : FEEL - LEARN... DO if you want it, qui rencontre l'adhésion du public occidental individualiste et jouisseur.
L'autre nouveauté, nous venons de l'évoquer en creux, est dans les supports de communication.
Même si les actions coup de poing façon Greenpeace ou faucheurs d'OGM restent un des leviers de la communication écologiste, le recours aux canaux audiovisuels a permis de toucher, sur un mode plus apaisé, plus attractif et donc plus large, des cibles nouvelles.
Un phénomène, qui va décupler l'audience des thèses écologistes.
Quand Eric Schlosser avait publié son livre enquête Fast Food Nation : the dark side of the all american meal, en 2001, il était passé presque inaperçu en Europe. Mais quand, en 2006, il est porté à l'écran, il devient un phénomène de société, qui alerte les omnivores que nous sommes sur les dangers que l'industrie agro-alimentaire fait courir à notre santé, et il fait vaciller la maison Mac Donald.
We feed the world, sorti en France en 2007, en même temps que Le monde selon Monsanto, l'enquête de Marie-Monique Robin, diffusés en salles, puis en DVD vont, non seulement donner une large visibilité aux problèmes évoqués, mais aussi donner le temps aux idées de se diffuser.
Al Gore en obtenant en 2006 le prix Nobel de la Paix grâce au film An inconvenient truth, a bien évidemment largement contribué à convaincre de l'efficacité de ce média, puisque grâce à cette distinction, il donnait une publicité mondiale, et une caution prestigieuse à la cause environnementale.
Bien sûr, il y avait eu déjà de grands films où l'argument écologique était sensible (Gorilles dans la brume, Out of Africa..) mais il s'agissait toujours d'un second plan, d'un décor à l'argument narratif, pas comme nous le voyons dorénavant, du cœur du film, et de la motivation première des spectateurs qui achètent leur billet...
Un succès qu'exploite de plus en plus largement la télévision dans de multiples formats, comme ce programme proposé par France 5 sous le titre Les Report Terre .
L'apparence d'une émission de télé-réalité classique, à ceci près que par l'intermédiaire des 10 candidats sélectionnés, elle offre au téléspectateur, un tour de l'Europe des initiatives écologiques les plus créatives.
Se voulant un programme de divertissement et d'éducation, optimiste et joyeux, à destination d'un large public, elle mélange le concept du road movie d'aventure et la pédagogie, faisant alterner reportage, interview et commentaires en plateau. On a ainsi pu y voir entre autres actions, comment la municipalité d'une ville d'Allemagne avait opté pour une démarche contraignante de développement de panneaux photovoltaïques ; ou comment un groupe de passionnés avait redonné vie à un petit village d'Italie, rénové selon des techniques à la fois traditionnelles et très novatrices, devenant ainsi une destination touristique prisée, ou encore comment en Hollande, on a solutionné d'un seul coup de création astucieuse : pénurie d'habitat et recyclage des containers ...
De quoi bousculer les stéréotypes et donner des idées aux sceptiques ...
Et le public en redemande !